Avènement des chimères

Bonjour, lorsqu'on milite en bioéthique, on peut rapidement finir par se passer de lire de la science-fiction, la réalité étant dans bien des domaines de la recherche, en passe de lui damer le pion.  A l'heure actuelle, des chercheurs basés aux États-Unis s'essaient par exemple à la création de chimères d'humain et de porc afin de créer des réservoirs d'organes vivants. A la lumière de ces expériences, nous parlerons ce matin de deux récits de science-fiction, roman et film, mettant en scène des chimères d'humains et d'animaux. A noter qu'à l'origine, Chimère est le nom d'un monstre de la mythologie grecque, il désigne de nos jours un être composite ou une idée irréaliste. 
Les Fables de l'Humpur roman de Pierre Bordage paru en 1999, met en scène une surprenante société futuriste ayant régressé à l'état primitif où les humains ne sont plus qu'une légende.
Le récit débute dans le pays de la Dorgne où cohabitent des êtres hybrides mi-animaux mi-humains, plongés de génération en génération dans une régression vers l'animalité. Leur société est bâtie sur un système féodal de castes bien réglé, les clans d'animaux prédateurs dominant les tribus d'herbivores qui leur servent à la fois de serfs et de nourriture. Tous sont cependant soumis aux règles du clergé de l'Humpur qui prohibe les mélanges entre tribus et les comportements trop individualistes, le manquement à ces règles étant puni de mort. Il se raconte que leurs terres furent jadis occupées par les dieux humains, des êtres parfaits disparus depuis fort longtemps dans les montagnes du Grand Centre, qui, seuls, pourraient délivrer les créatures de leurs tourments. Véhir, un paysan grogne (homme-cochon) et Tia, une aristocrate hurle (femme-louve), tous deux en rupture d'avec leur communauté respective, vont partir en quête du Grand Centre, croisant au cours de leur périple toutes sortes de créatures dans un monde empli de dangers et de superstitions, avant de parvenir à la découverte du secret de leurs origines. Sur la trame assez éculée de la quête initiatique, l'auteur brode un roman prenant et original, en particulier grâce à la description minutieuse de cette société de chimères au langage bien particulier, sabir alliant ancien français, locutions tronquées et cris d'animaux. Il en résulte un excellent récit d'anticipation à découvrir dès le lycée.

Le film Splice de Vicenzo Natali, sorti en 2010, explore le thème de la chimère dans un registre plus proche de l'épouvante et du thriller psychologique en huis clos.
Un couple de jeunes et talentueux scientifiques, Clive et Elsa, après être parvenus à créer de fantastiques hybrides d'animaux et de végétaux, semblables à de sympathiques omelettes ambulantes porteuses de vertus thérapeutiques, se décident à transgresser un tabou en combinant des gènes humains à ceux de divers animaux. Il en résulte un petit être duveteux, baptisé Dren, qu'ils élèveront loin des regards dans une maison forestière et qui, au fil des mois, se change rapidement en une adorable enfant gerboise puis, parvenue à l'âge adulte, en une femme d'une inquiétante beauté aux attributs prédateurs redoutables. Pour ses créateurs, elle est à la fois le produit d'une expérience gardée secrète et l'enfant qu'ils n'ont pas eu. Les liens qui les unissent, entre attirance et méfiance, amour parental et instinct sexuel dévoyé, se compliquent des suites inattendus de l'évolution de Dren, la tension va crescendo jusqu'à un final particulièrement intense. Le réalisateur a souhaité reprendre le mythe de Frankenstein, la créature d'abord dépendante de ses créateurs, finit par se retourner contre eux. Elle personnifie aussi bien leurs fantasmes de démesure que leur animalité, restée à l'état latent derrière les oripeaux de la science. Je conseille ce film à un public plutôt adulte et aguerris, certaines scènes étant moralement assez éprouvantes. 
 Terminons par un peu d'électro, à bientôt !

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